Histoire de la Coupe du Monde 2006

Oh Zizou!!!



32 équipes, 147 buts au cours des 64 matches devant 3 359 439 spectateurs répartis dans 12 stades et plus de 30 milliards de téléspectateurs de par le monde, cette Coupe du monde aura été «la meilleure de tous les temps» selon Kofi Annan, le secrétaire général des Nations unies, cette instance qui envie à la FIFA son nombre de pays affiliés.
Un avis pourtant pas partagé par la plus-part des observateurs.
A l'exception de quelques matches, de quelques exploits individuels et de quelques instants de grâce, dont l'Argentine aura souvent été partie prenante jusqu'aux quarts de finale, à l'exception d'un Zidane exceptionnel contre le Brésil, la 18eme Coupe du monde aura rarement tenu ses promesses.
Le tournoi aura ainsi consacré le succès des équipes les mieux en place tactiquement, les plus solides défensivement et les mieux préparées physiquement pour durer et gérer l'enchaînement des matches (France, Italie, Portugal).
l'inverse du message envoyé par la dernière Ligue des champions à travers la victoire du FC Barcelone, et comme un prolongement au fond, de la performance accomplie par la Grèce à l'Euro 2004, il aura donc aussi entériné plus que jamais le triomphe des organisations sur les grands joueurs, celui de l'uniformité sur l'originalité celui des blocs-équipes sur l'audace, le talent et l'initiative personnelle, celui des milieux de terrain blindés jusqu'à plus soif sur les projets de jeu ambitieux, celui des coups de pied arrêtés sur les gestes techniques sortis de nulle part, celui également du football européen sur tous les autres réunis.
C'est pourquoi Zinédine Zidane fut le grand acteur de ce Mondial, car il apporta des gestes techniques qui en firent le numéro 1 du tournoi, jusqu'à la fatidique prolongation de la finale entre la France et l'Italie.

Son match contre le Brésil fut peut-être le plus accompli de son immense carrière.

Si le parcours inespéré réussi par l'Allemagne au regard de son potentiel surestimé, et l'extraordinaire courant de sympathie que son aventure à suscité dans le pays ont beaucoup contribué à créer une bonne ambiance autour des matches, une Coupe du monde sans vraies stars à part Zidane, sans révélations majeures, sans fantaisie, sans chefs-d'œuvre de jeu, comme le fut par exemple France-Brésil de 1986, et sans monuments d'émotion, comme le resteront à jamais l'Italie-Allemagne de 1970 ou le France-Allemagne 1982, faillit néanmoins à sa mission universelle.
En termes de mise en place, plus que le meneur de jeu décroché (Pirlo, Mascherano), la nouveauté a été le retour au premier plan du 4-3-3 initié par des équipes comme Chelsea ou Barcelone.
Aujourd'hui, ce dispositif n'est plus le foot à l'ancienne des deux ailiers qui passent leur match à déborder et à centrer pour l'avant-centre, mais une stratégie d'occupation globale du terrain.
Les plus surprenants dans cette organisation choisie par les Pays-Bas, l'Espagne ou le Portugal, avec des variantes, ont sans doute été les Australiens de Guus Hidddink.
Dans leur huitième de finale contre l'Italie, où les trois attaquants nominaux ont su exercer un pressing intelligent et permanent très haut sur Pirlo, l'empêchant de bénéficier de la liberté que sa position repliée lui octroie d'ordinaire.
Le 4-3-3 est donc dans ce cadre une organisation défensive autant qu'offensive.
Plus offensif le 4-3-3, est un jeu sur le fil du rasoir et nécessite, à l'exemple du Barça une grande maîtrise technique et des réglages très précis.
Ce n'était pas encore le cas des jeunes Espagnols ou Néerlandais, à l'inverse des Portugais.
Les systèmes ne valent cependant que par les qualités techniques et physiques des joueurs, à l'instar des Portugais et des Argentins, rappelant combien le foot reste un jeu de passes, à l'image des Allemands portés sur la percussion, et des Français dont le jeu a trouvé une cohérence et un sens quand ils sont montés en puissance.

Il n'est donc pas surprenant de constater que, parmi les plus beaux matches de la compétition, l'Argentine figure à trois reprises dans ce classement virtuel.
Les partenaires de Riquelme ont ainsi souvent montré l'exemple du jeu à suivre.
On se souvient en particulier de leur démonstration ace à la Serbie-Monténégro, avec six buts à la clé (6-0) de leur brillante prestation face à la Côte d'Ivoire (2-1) sans doute l'une des équipes les plus spectaculaires de cette Coupe du Monde et qui méritait mieux, ou encore de leur qualification méritée face au Mexique (2-1, a.p.), à l'issue d'un match plein, enlevé et acharné.
Au rayon des autres bonnes surprises, deux équipes se dégagent, l'Australie et le Ghana.
Les Socceroos de Hiddink, qui jouaient leur premier Mondial depuis trente ans, ont réussi un premier tour spectaculaire, avant de faire souffrir terriblement l'Italie en huitièmes.
Ils furent vaincus à l'ultime minute sur un penalty sévère alors qu'ils allaient attaquer la prolongation à onze contre dix, avec des joueurs frais sur le banc.

Suivis par une cohorte de supporters heureux et sympathiques, les Australiens avaient entamé la compétition sur une démonstration tactique contre le Japon, changeant deux fois de système en fin de match pour faire plier les Asiatiques (3-1). Œuvre bien sûr de l'icône Guus Hiddink qui va maintenant prendre les rênes de la sélection russe, qu'il faudra surveiller de très près
Le Ghana pour sa part était la meilleure équipe africaine du tournoi et a réussi à se relever d'une défaite d'entrée contre l'Italie (0-2) pour se qualifier sans trembler.
Malheureusement pour elle, cette équipe très moderne (joueurs techniques, puissance physique, sens tactique) a joué devant le Brésil sans Michael Essien, suspendu, et a sans doute fait preuve de trop de naïveté devant les tenants du titre (bien aidés aussi par l'arbitrage).

L'Equateur a réussi deux premiers matches remarquables face à la Pologne (2-0) et le Costa Rica (3-0) avant de se replier mentalement et d'arrêter de jouer ensuite face aux Allemands (0-3) et en huitièmes contre une Angleterre (0-1) pourtant prenable.
Les Anglais décevants se fire éliminer par le Portugal aux tirs au but, après l'expulsion de Rooney, trahi par son co-équipier de Manchester Cristiano Ronaldo.
Enfin, dans ce Mondial où les grands ont tenu leur rôle, on peut classer dans la catégorie des "surprises" la performance de l'équipe de France totalement libérée après un premier tour très difficile.
Une métamorphose prodigieuse.
Mais, pour en arriver là, il fallut d'abord passer le premier tour.
Ce fut presque le plus éprouvant, à défaut d'être le plus dur.
Un pénible match nul contre la Suisse, un troisième en moins de deux ans, un second résultat nul contre la Corée, revenue au score sur sa seule occasion réelle de but en fin de match, et voilà les Bleus sans Zinédine Zidane... suspendu pour deux cartons jaunes en deux matches, obligés de jouer leur avenir, à quitte ou double, contre le Togo lors du troisième match.
Comme en 2002, il fallait une victoire par deux buts d'écart- mais, à l'époque, c'était contre le Danemark -pour aller en huitièmes. Franchement pas l'obstacle du siècle, dans l'absolu. Mais, en football, les choses ne sont jamais dans l'absolu, on peut se le rappeler...
Un but de Vieira, qui commençait alors à (re)devenir l'homme clef de cette équipe, sur une passe de Ribéry, et un but de Henry, un de plus, sur une ouverture de Vieira, et voilà en quelques minutes la différence enfin faite en seconde mi-temps, après quarante-cinq premières minutes crispantes.
La France- bat le Togo 2-0. Mission accomplie, catastrophe évitée.
Une nouvelle aventure commence alors. Avec un lourd programme.
Seulement deuxième de son groupe, l'équipe de France se voit proposer un véritable parcours du combattant dans le bas du tableau.
Pour commencer, ce fut l'Espagne, l'une des équipes les plus attendues du tournoi, euphorique au premier tour, avec trois victoires en trois matches.
Puis le Brésil, le superissime favori de la compétition, avec son impressionnante pléiade de stars.
Enfin, en demi-finale, le surprenant Portugal... Mais on n'en était pas encore là.
Car place d'abord à la jeune armada de Luis Aragonès, une brillante équipe espagnole à la moyenne d'âge nettement inférieure à celle des Français et dont la presse nationale claironne bien vite qu'elle va définitivement "mettre à la retraite Zidane" et toute sa bande.

Référence au titre de Marca, le grand quotidien sportif de Madrid.
Cela paraît d'autant plus clairvoyant que l'Espagne mène bientôt 1-0, une faute de Thuram ayant valu un penalty.
Mais les Français vont alors passer une puis deux puis trois vitesses supérieures, comme autant de buts synonymes d'une épatante supériorité.
Les Espagnols ont oublié qu'il y avait un match à jouer contre des anciens champions du monde et d'Europe, et ils ont été justement punis de leur incroyable suffisance par les Français
On disait les Français vieillissants et peu inspirés, et on les redécouvre tout à coup dynamiques et percutants.
Comme aux plus belles heures de la fin du XXe siècle...
Victoires 3-1 contre l'Espagne, 1-0 conte le Brésil, 1-0 contre le Portugal ! La série est sacrément impressionnante.
Exit d'abord la jeune garde espagnole, exit ensuite la grande équipe brésilienne et ses innombrables stars, exit enfin le redoutable commando portugais de Luiz Felipe Scolari, exit tous ces adversaires qui pensaient sans doute que tomber sur cette équipe de France, déclinante éait une sorte de cadeau du ciel.
Tu parles d'un cadeau !
Un billet de retour pour Madrid, Rio et Lisbonne, en fait.

Et les Français, eux, atterrissent sur le terrain de la seconde finale de Coupe du monde de leur histoire, huit ans après la première.
Des finales de ce niveau les équipes de France en avaient disputées quatre précédemment : une mondiale donc, en 98, à domicile, contre le Brésil ; deux à l'Euro en 84 à la maison encore, contre l'Espagne et en 2000 à Rotterdam, contre l'Italie ; une olympique enfin, en 1984 à Los Angeles, contre le Brésil encore.

Quatre finales jouées, quatre finales gagnées.
Mais pas toujours facilement, comme pouvaient s'en souvenir les Italiens, rejoints au score dans le temps additionnel avant de céder sur un but en or de Trezeguet en juillet 2000.
La roue de la fortune a tourné pour les Bleus. Ils pouvaient remercier le ciel pour certaines de leurs précédentes victoires. Ils peuvent désormais lui en vouloir pour ce titre de 2006 qui leur tendait les bras et leur a échappé.
Menant dès la septième minute grâce à un penalty consécutif à une faute de Materazzi sur Malouda, penalty transformé "à la Panenka" par Zidane, les Français se font rejoindre un quart d'heure plus tard sur un fracassant coup de tête du même Materazzi dont on n'a pas fini de parler, d'ailleurs.
S'ensuit une nette domination italienne pendant près d'une demi-heure, mais le reste du match, la seconde mi-temps et les prolongations, sont nettement à l'avantage des Bleus totalement maîtres du jeu. Mais incapables, malheureusement de marquer.
Un second penalty non sifflé -pour une seconde faute sur Malouda- une occase en or de Ribéry, un coup de tête remarquable de Zidane sorti par Buffon, rien n'y fait.

Vraiment, d'un coup de tête à l'autre, l'histoire n'est pas du tout la même.
l faut les tirs au but pour départager les deux équipes.
Mais les Bleus, eux, ne sont alors plus que dix, Zidane ayant répondu à une provocation de Materazzi.

Zidane quitte le terrain de cette finale, du dernier match de son immense carrière, direction les vestiaires.
L'image restera figée sur ce départ anticipé, comme si la Coupe du Monde se terminait sur un mauvais rêve.