Rolland Courbis, vous avez la réputation d'être critique, mais le seriez-vous
      autant si vous entraîniez un autre club que l'OM ? 
      Quand je critique, j'essaie aussi d'apporter une solution, et mon objectif
      c'est d'être positif. Le foot, c'est ma vie depuis que je suis tout gosse,
      ça l'est encore, et je me dis que le jour où je disparaîtrai, mon passage
      aura servi à quelque chose. Je ne suis pas animé par un esprit de contradiction.
      Je ne critique pas pour le plaisir, je note seulement qu'il y a des anomalies
      et je les soulèves. J'ai connu différentes situations en tant qu'entraîneur.
      J'ai dirigé Toulon, Endoume, Bordeaux, Toulouse, j'ai joué le maintien,
      la montée, la descente, l'Europe... | 
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      Je serais le même si j'entraînais n'importe quel autre club. Maintenant,
      si j'exerçais ailleurs, peut-être que je serais perçu d'une autre manière. 
      Pour quelle raison ? 
      Parce que Marseille, c'est, et de loin, le club le plus populaire du pays.
      Le nombre de gens qui m'accostent dans les aéroports, qui m'interpellent
      dans la rue, où que je sois, depuis un an et demi, pour me poser des questionsest
      dix fois plus élevé par rapport à l'époque où j'entraînais Bordeaux, qui
      est pourtant un grand club, avec une histoire, des structures.  
      Parfois, j'ai même l'impression d'avoir changé de métier, alors que je
      pense être toujours le même. | 
     
    
      Etes-vous tenté par une expérience à l'étranger 
      Si je n'avais pas eu la chance d'avoir entraîné deux des clubs les plus
      prestidigieux du pays, j'aurais une ambition supplémentaire. L'objectif
      dans la vie, c'est quand même d'être heureux. Et moi, à l'OM, je suis un
      homme heureux ! Mais les semaines, les mois, les années défilent et je
      ne sais plus ce que c'est que prendre un poisson à la palangrotte ou partir
      huit jours au ski. J'aimerais en profiter un peu avant de mourir d'un infarctus 
      sur ma chaise au Vélodrome. Ca a continuer un anou deux, ou trois, je l'ignore
      mais la cinquantaine arrive à grands pas. 
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      Dans quel domaine pensez-vous pouvoir encore progresser ? 
      On progresse à tout âge. Mais que ce soit dans le domaine physique, athlétique,
      de la préparation, il ne reste plus que des petits réglages à effectuer.
      On peut toutefois apprendre dans tous les secteurs en s'intéressant à ce
      qui se fait dans d'autres sports : en tennis, au hand, au basket, au water-polo,
      notamment dans la gestion du groupe. En match, pour surprendre l'adversaire,
      il faut toujours essayer de varier. Nous disposons de trois schémas différents,
      plus la possibilité de faire trois changements. | 
     
    
      Y-a-t-il des entraîneurs qui vous ont spécialement marqué ? 
      J'ai eu la chance de rencontrer, il y a une quinzaine d'années, Tomislav
      Ivic. Il y a les pour et les contre, mais, pour moi, Ivic, c'est un formateur
      -ce que je ne suis pas-, un éducateur, un gars qui a réussi à entraîner
      dans différents pays. C'est clair, il m'a fait gagner beaucoup de temps.
      Pouvoir discuter avec lui, comme avec Capello ou Lippi, ou, auparavant,
      avec Kovacs que je voyais souvent à Monaco, ce fut un vrai bonheur.  
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      Et parmi tous les entraîneurs que vous avez eus en tant que joueur ? 
      Mario Zatelli. Il avit vingt ans d'avance. C'est le premier que j'ai vu
      discuter par groupes de deux ou trois, par secteurs de jeu, une méthode
      que j'ai reprise à mon compte. Zatelli avait un sens de la psychologie
      très développé. Il fallait le voir gérer le cas de Magnusson qui détestait
      les séances physiques. Avec d'autres, que je ne nommerai pas, on serait
      allés tout droit au clash. | 
     
    
      
      
        
          
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            Vous ne regrettez pas d'avoir eu une carrière de joueur somme toute modeste,
            alors qu'elle s'annonçait prometteuse ? | 
           
        
       
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      Quand j'étais petit, je ne me voyais pas jouer sous un autre maillot que
      le maillot blanc. Forcément, j'ai dû oublier le côté affectif, sinon j'aurais
      mis un terme à l'âge de vingt ans. C'est vrai, j'ai privilégié l'aspect
      financier. Si c'est laid, tant pis. Non, je ne le regrette pas et je n'en
      ai pas honte. | 
     
    
      Quel avenir pour l'OM? 
       
      Il y a eu une époque où il suffisait de recruter les meilleurs Français
      et trois bons étrangers pour avoir la meilleure équipe de France.  
      Ce n'était plus vrai quand Robert Louis-Dreyfus est arrivé. 
       
      Même si, comme moi, il est de passage dans le foot, il aura au moins réussi
      celà : créer dans ce club les infrastructures qui lui manquaient. | 
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      J'espère que cela donnera envie à de gros investisseurs de venir dans le
      football et de poursuivre le travail entrepris. Sinon, l'OM redeviendra
      une équipe moyenne et pointera entre la septième et la douzième place du
      Championnat et n'aura aucune chance de rivaliser avec le Real ou l'Inter. 
      Selon vous, Robert Louis-Dreyfus compte-il déjà parmi les grands présidents
      de l'OM ?  
      Ces vingt dernières années il y a eu trois grands présidents : Leclerc,
      Tapie et Louis-Dreyfus. | 
     
    
      Les deux premiers ont connu les sommets, puis la catastrophe. Le troisième
      tente d'enrayer cette fatalité. 
      Est-ce cela qui a motivé votre décision de rester à l'OM cette saison ?
       
      J'étais venu pour un bail d'un ou deux ans. Aujourd'hui, mon objectif est
      de devenir l'entraîneur qui battra le record de durée sur le banc, ou plutôt
      sur la chaise que j'occupe au Stade-Vélodrome, et de maintenir le club
      durablement au plus haut niveau. | 
      
      
        
          
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            Avec le président, nous étions vraiment partis sur une opération à court
            terme. | 
           
        
       
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      Mettre en place un groupe sympa en deux intersaisons, qui soit motivé et
      qui ne roule pas les mécaniques.Cet objectif a été atteint. Désormais,
      il s'agit de mettre en place des infrastructures. Car il faut bien se rendre
      compte que la victoire en C 1 de l'OM en 1993 est une anomalie. C'est le
      seul club à avoir gagné la Coupe d'Europe en s'entraînant dans des Algeco. | 
     
    
      Maintenant il y a des terrains d'entraînement qui seront cette année enfin
      dignes de ce nom, des vestiaires, un staff technique, un président très
      présent, un stade, un public. La Coupe d'Europe ne peut se remporter qu'avec
      un minimum de logique.  
      A propos d'infrastructures, ne regrettez-vous pas que le Stade-Vélodrome
      ne soit pas couvert ? 
      Le Vélodrome, je l'appelle "l'enrhumeur". Mais ce n'est pas parce
      qu'il n'a pas de toit. C'est parce qu'il est ouvert sur tout. Je me moque
      que, des tribunes, on puisse voir l'Estaque ou que, vu d'hélico, ce stade
      ressemble à une fleur. Ce stade est mal conçu parce qu'on n'a jamais l'impression
      d'être à l'intérieur ! | 
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            Compte-vous également développer la formation qui n'est pas jusqu'à présent
            une force de l'OM ?  
            A l'heure actuelle, nous sommes loin de Monaco, par exemple, qui compte
            plusieurs internationnnnaux A ou Espoirs issus de son centre (Christanval,
            Henry, Trezeguet, Irlès). | 
           
        
       
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      Je ne me fais pas d'illusion. L'OM-on n'échappe pas à son histoire-ne sera
      jamais un club qui s'appuiera entièrement sur la formation. Mais j'aimerais
      qu'à terme 20 % de l'équipe vienne du centre.  
      En outre, le président ne rajoutera plus chaque année 50 MF au budget pour
      qu'un Pires reste en France.  
      Il faudra que, lors des futures intersaisons, nous conservions un groupe
      performant tout en gardant une balance ventes/achats assez équilibrée. | 
     
    
      Vous semblez donc vous inscrire sur une assez longue durée à Marseille,
      le club de vos débuts, votre ville. Est-ce pour boucler la boucle ?  
      Il y a 99 % de chances que je termine ma carrière d'entraîneur lorsque
      je ne serai plus performant avec l'OM.  
      Est-ce que ce moment viendra dans un, deux, ou trois ans, je n'en sais
      rien. Mais alors là, oui, la boucle sera bouclée. J'aimerais seulement
      que mon passage à l'OM donne la possibilité à ce club de ne plus vivre
      un parcours qui ressemble à la courbe de température d'un malade. 
      Que ferez-vous ensuite ?  
      Je conseillerai sans doute encore un club ou un entraîneur. Peut-être des
      joueurs.? Mais seulement quatre ou cinq, pas plus. Sinon, on ne peut pas
      le faire sérieusement et ça devient ce que font les agents aujourd'hui
      qui s'occupent de trente joueurs à la fois pour faire le plus d'argent
      possible. | 
      
      
        
          
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            Vous conseillez déjà des joueurs. Comme Peter Luccin, par exemple... 
            Je me préoccupe en effet beaucoup de ce joueur. D'abord, parce que sa famille
            m'en a confié la responsablité et, surtout parce qu'il est pétri de talent.
            S'il avait eu un agent, il serait au Real aujourd'hui. | 
           
        
       
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      Pouvez-vous éclairer le chassé-croisé de Noël entre Dugarry et la Juve
      ? 
      Si le Juve s'y était mieux pris, Dugarry serait aujourd'hui à Turin. C'était
      le seul club qui aurait pu lui faire quitter Marseille où il est heureux.
      Nous l'avions mis à l'aise en lui disant de réfléchir. Nous avions même
      entamé des recherches pour le remplacer (soit par Rodriguez, soit par un
      étranger dotn je tairai le nom car il nous intéresse toujours). Mais les
      dirigeants italiens l'on fait mariner dix jours. Christophe a vu défiler
      les noms de tas d'autres joueurs qui étaient censés intéresser la Juve
      avant qu'elle reprenne contact. Finalement, Christophe, un peu vexé, a
      choisi Marseille, même s'il y avait son copain Zizou à Turin. | 
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      Avez-vous le sentiment que votre groupe est né en août, lors de la deuxième
      mi-temps du match OM-Montpellier, lorsque votre équipe menée 4-0 s'est
      finalement imposée 5-4 ?  
      C'était effectivement le scénario rêvé pour mettre en place un groupe,
      et il est certain qu'il s'est consolidé en passant en quarante-cinq minutes
      du ridicule à la victoire. Moi-même, je n'avais jamais connu cela dans
      de telle proportions. A la mi-temps, j'avais fixé un objectif : ganger
      ce demi-match de quarante-cinq minutes. Pour moi, c'était cela l'important,
      et je crois que si nous avions remonté seulement deux buts, la suite de
      la saison aurait été la même. On a fait mieux, et c'est ce qui me fait
      dire que ce genre de match fleure bon le titre de champion. | 
     
    
      Vous évoquiez tout à l'heure le public marseillais. Il vous adore aujourd'hui
      ! 
      Cela n'est pas toujours vrai. Avec beaucoup d'affection j'appelle le public
      du Vélodrome les malchanceux. Lorsque nous perdons, ils sont 60 000 qui
      auraient proposé la bonne solution ! Enfin, heureusement que je n'écoute
      pas tout ce qu'on veut me soumettre. Sinon, Camara serait parti en Afrique,
      Ravanelli s'appellerait "Ravioli" pour toujours, Dugarry porterait
      le nom de "Dugâchis" et Pires jouerait à l'étranger, car "il
      n'a pas le caractère pour jouer au Vélodrome... | 
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      Vous connaissez bien Zidane pour l'avoir entraîné. Dans quel domaine a-t-il
      le plus progressé ? 
      Dans tous les domaines ! Surtout, il est allé dans les clubs qu'il fallait
      au moment où le fallait. Marseille l'a peut-être raté, mais le centre de
      formation de l'OM ne lui aurait peut-être pas permis de progresser comme
      il l'a fait à Cannes. Après Bordeaux, la Juve, avec ses structures, ses
      programmes d'entraînement, et Lippi l'ont encore fait progresser; Son plan
      de carrière a été mené au mieux. Avec un peu de chance peut-être aussi,
      mais il avait tout pour devenir ce qu'il est devenu. | 
     
  
 
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