OM Olympique de Marseille

Octobre 1984, le Limogeage de Roland Gransart

Ce n'est pas d'aujourd'hui, tous les observateurs sérieux le savent bien, que date la versatilité à vrai dire comparable à celle de leurs cousins méditerranéens de Barcelone ou de Naples, à cette différence près -et elle est importante- que là-bas, les supporters ou les dirigeants ne menacent pas de tout démolir au bout de trois défaites, pas plus qu'ils ne pavoisent au bout de trois victoires...
Ce n'est pas à Naples, par exemple, et quels que puissent être ses excès en la matière, qu'on passera d'une période à l'aute de 40 000 spectateurs à 3 000.
Et d'ailleurs, là-dessus, il est bien regrettable que l'exemple napolitain ne puisse pas inspirer les Français, en général, et les Marseillais en particulier, qui se prétendent tellement friands de football.
Songez en effet que cette saison, grâce à l'arrivé de Maradona, il est vrai, le club italien a dû limiter le chiffre de ses abonnés à l'année à 75 000, encaissant avant le début du Championnat la bagatelle de 25 milliards de lires...
Cela nous éloigne à peine du sujet qui nous intéresse, en l'occurence les troubles qui se sont manifestés dernièrement dans les coulisses du Stade Vélodrome.
Grosso modo, l'autorité et la compétence de Gransart ont été remises en questions, on a même parlé d'un possible changement d'entraîneur et l'on disait, à mots tout juste voilés, que ce n'était pas toujours l'entraîneur l'équipe.
Par bonheur pour l'OM, qui est aujourd'hui comme hier à la merci du moindre coup de mistral, il y a eu cette salutaire victoire à l'arraché sur Strasbourg, qui a quelque peu apaisé les esprits et qui a parallèlement fait reculer certaines échéances.
Cet épisode heureux a permis aux uns et aux autres de s'amender et, dans le même temps, de mettre les points sur les "i" afin que tout soit aussi clair et net que possible.
Ainsi, vendredi dernier, Roland Gransart, qui n'est pourtant pas homme à se payer de mots et encore moins à faire des éclats, avait-il convié les journalistes à une conférence de presse, leur promettant par avance qu'il ne leur cacherait rien.
Et, effectivement, le jeune technicien olympien, qui a déjà trois saisons d'expérience mais qui n'a guère plus de trente ans, s'est exprimé à coeur ouvert :
" Bien sûr, tout n'a pas été rose dans la mesure où les résultats nous étaient défavorables. Alors, comme cela se passe un peu partout, il y a eu des réactions diverses et les malentendus sont venus de là.
Mais je dois tout de même vous faire savoir que jamais mon autorité n'a été véritablement contestée.
Je n'étais pas là il est vrai pour le match à domicile contre le Racing, mais c'était essentiellement à cause d'une grippe tenace.
Et aujourd'hui je pourrais vous dire que je n'ai pas encore perdu au Stade Vélodrome puisque notre seule défaite sur notre terrain s'est située le soir où j'étais cloué au lit !
Mais là n'est pas la question et l'important, à présent, est que tout rentre dans l'ordre.
J'ai reçu de ce côté-là les apaisements souhaitables.
Le président Carrieu m'a personnellement assuré de son soutien le plus total et je ne vois donc pas pourquoi nous ne repartirions pas tous ensemble du bon pied.
C'est en tout cas le voeu que je formule à l'heure où il s'agit pour nous tous de nous serrer les coudes."
Gransart croit-il pour autant qu'il poura replacer l'OM à un niveau plus conforme à ses ambitions ? N'ayant pas l'habitude de s'avancer à la légère, l'entraîneur marseillais se garde évidemment d'une pareille affirmation, mais il exprime quand même son espoir : redonner vie et animation à une équipe qui en fut quelque peu privée un certain temps.
Parallèlement, il assure qu'il n'y a pas et qu'il n'y a jamais eu de clan à l'intérieur de l'équipe, les nouveaux et les anciens faisant, à l'entendre, bon ménage.
Et ainsi, comme l'on dit toujours en pareil cas, ce sont les médias qui ont cru voir à l'intérieur du club des choses qui n'existaient pas.
Refrain bien connu et arguments faciles qui ne résistent pas à la première analyse.
Mais c'est comme ça un peu partout et il n'y a pas à y revenir.
Etant entendu toutefois que les journalistes, du moins ceux qui s'efforcent de regarder les choses avec lucidité et sans le moindre esprit partisan, ne sont et ne seront jamais dupes.
On souhaite bien sûr à l'OM de remonter la pente, d'autant que la courbe de ses spectateurs, en ce début de saison, a déjà pris une orientation déclinante, ce qui n'est jamais rassurant pour des dirigeants qui font du mieux qu'ils peuvent.
Cela dit, il était clair, dès le départ, que malgré l'arrivée spectaculaire, au dernier moment, de Cunningham et de la Ling -deux étoiles de première grandeur, certes, mais pas pour autant des super- que cet OM conçu et réalisé à l'intersaison, n'avait pas les structures d'une équipe compétitive au plus haut niveau.
Sa défense notamment nécessitera encore pas mal de réglages pour tenir à peu près le coup. Mais les troubles des dernières semaines ne sont-ils pas imputables aussi au fait que, comme à l'ordinaire, et parce que que l'OM avait battu Sochaux le premier soir, certains exaltés ont pris leurs désirs pour des réalités et, pour tout vous dire des vessies pour des lanternes ?
Pour nous, il y a eu là relation de cause à effet et peut-être conviendra-t-il dans une perspective d'avenir, de méditer profondément sur ce sujet.
Deux semaine après , Gransart limogé, Cahuzac nommé entraineur

Tel un swing parti des lustres et qui va s'écraser en pleine poire d'un adversaire pas assez méfiant, le coup porté la semaine dernière à Roland Gransart, le plus jeune entraîneur de Division I, le technicien qui avait conduit les "Minots" de Marseille aux conquêtes que nous savons, avait été expédié de loin.
On l'avait vu venir. Et seul, l'inéressé, qui en était à sa première expérience en la matière, il est vrai, ne s'en est pas inquiété, oubliant de la sorte de lever sa garde.
Nous voici donc revenus au temps de la valse marseillaise, qui a fait tourner jadis tant de têtes et qui, à un moment donné, entraîna toute une pléiade de techniciens loin de la piste de danse, entendez sur la touche.
La faute à qui ? Certainement pas au brave garçon qui avait rangé ses souliers à crampons dans l'armoire aux souvenirs, alors même qu'il était dans la fleur de l'âge, pour se consacrer à l'éducation et à la formation des jeunes talents olympiens.
Seulement voilà, Roland Gransart, né dans le sérail olympien, puisque aussi bien son père, Maurice, fut un intraitable défenseur du club dans les années 1940-1950, faisait en quelque sorte parties des meubles.
Donc à la longue, il pouvait déranger. Et dans l'histoire, son inexpérience ne pouvait que le desservir : outre qu'il était facile, à ceux qui se trouvaient au-dessus de lui, d'intervenir dans le domaine technique proprement dit, il était tout aussi prévisible que le jour où les résultats seraient mauvais, c'est à l'entraîneur que l'on ferait porter le chapeau.
A situation compromise, remaniements inévitables. Et, comme toujours en pareil cas, le coup de lessive a nettoyé l'entraîneur, ce galeux, ce tondu qui n'a pas su tirer partie des moyens qui avaient été mis à sa disposition.
Encore heureux que l'on n'ait pas imputé à Gransart les erreurs d'un recrutement à tout le moins douteux, notamment en matière de défenseurs. Il faut dire que s'il y avait, au Stade-Vélodrome, un homme que l'opération renfort concernait assez peu c'était bien de l'entraîneur qu'il s'agissait !
C'est comme ça et il n'y a pas à y revenir. Le phénomène n'est d'ailleurs pas nouveau, l'histoire de notre football fournmillant de mauvais exemples de ce type de dirigeants s'arrogeant toutes les prérogatives quand bien même leur connaissance du football et des footballeurs ne serait pas certifiée...
Gransart parti -et on le regrettera pour tout ce qu'il apportait de sérieux, de discrétion, d'amour des couleurs, de compétence aussi- voici donc que débarque sur la Canebière un homme que nous connaissons très bien, Pierre Cahuzac.
Nous n'étions pas sans savoir que, après deux ans de recul plus ou moins volontaire, Pierrot cherchait à reprendre du service.
A l'évidence, son éloignement des aires de jeu, qu'il fréquente depuis plus de quarante ans, lui pesait de plus en plus.
Et comme il n'est pas homme à se laisser rebuter par les difficultés, l'ancien international du Toulouse FC de M. Puntis s'est laissé tenter par ce qu'il y a sans doute de plus ardu sur le sol hexagonal : la direction technique de l'Olympique de Marseille, sorte de Naples et de Barcelone -ses cousins méditerranéens- au petit pied.
Et d'ailleurs, "Cahu" , qui voit toujours juste, l'a bien dit :
"Il y a, semble-t-il, pas mal de travail sur la planche."