Les meneurs de jeu Olympiens

Si Lucho trouve ses marques dans l'entre jeu olympien, le club a toujours eu du mal à trouver des numéros 10. La faute à sa devise, peut-être...
Après un temps d'adaptation et des blessures qui ont freiné sa progression, Lucho Gonzalez s'impose maintenant comme le meneur de jeu de l'OM.
Ce type de joueur ne court pas les rues, mais il vous permet de donner le tempo, de faire la passe décisive, et même de marquer les buts qui vous font gagner. Bref un Platinesque Provençal. Curieusement, on ne peut pas dire que l’OM ait eu souvent l’habitude d’avoir un organisateur de jeu, un numéro 10 dans les équipes qui parcoururent son histoire.

Numéro 10, on voit ce que ça veut dire, même si aujourd’hui les footballeurs sont plus proches de la numérotation des joueurs de Football Américains que des Rugbymen où les numéros respectent les postes, même chez les remplaçants. Nostalgie quand tu nous tiens.

A Marseille, le style Olympien adapté à sa devise, droit au but, n’engendra pas particulièrement l’utilisation de ce type de joueur. Mais au fait, pourquoi le droit au but? André Gascard qui fut le Monsieur OM tout au long de sa vie avait une réponse. "Un style Marseillais est né vers 1925 avec la venue des Parisiens Boyer, Crut, Dewaquez et Gallay. Ces deux derniers, aux ailes, débordaient et donnaient de bons centres pour Boyer et Crut qui étaient des buteurs. Mais le reste de l'équipe étant relativement faible, le ballon était envoyé rapidement vers l'avant et le jeu de l'OM paraissait large et rapide. On disait aussi jouer à la Marseillaise, en y ajoutant une devise, Droit au But. Ce style vient plus des hommes qui l'on inventé (les quatre Parisiens) que du tempérament Méditerranéen."


Ensuite, le public de l'Huveaune s'est habitué à cette caractéristique où l'impatience des spectateurs poussait son équipe à aller vers le but. On n'était ni à Reims, ni plus tard à Nantes ou Monaco où la préparation du jeu était prépondérante. Les dirigeants choisirent leurs joueurs en conséquence, Aznar, Zatelli, Bihel qui étaient plutôt des buteurs, Kohut, Dard, Rustichelli qui était des ailiers de débordement. Un peu meneur de jeu, Larbi Ben Barek était plus un soliste qui fut Olympien trop jeune (22 ans) ou plus tard trop vieux (37 ans) pour modifier le style de son équipe.

Après l'Huveaune, le Vélodrome ne changea pas la tactique Marseillaise sur laquelle au début des années 60, Roger Scotti portait un œil critique. "Le droit au but, c'est bien beau, mais ce n'est plus valable dans le football moderne. Si l'OM est descendu si vite, c'est en raison de sa fidélité à cette devise qui se traduit par de grands coups de pieds sans aucun sens constructif." Roger aurait pu être ce numéro 10, mais le métronome Olympien aimait prendre son temps et préférait regarder tout cela de loin, malgré une technique et un sens du jeu assez extraordinaires. Il préférait le poste de demi-aile, jouant des fois les libéros de fortune pour sauvegarder un résultat. Sacré Roger ! D'ailleurs, à cette époque, la vedette, c’était plutôt Gunnar Andersson.

Quand l'OM retrouva son lustre avec Marcel Leclerc, Magnusson par ses dribbles et Skoblar par ses buts assuraient le spectacle et le résultat, Jo Bonnel ayant plus un rôle de poumon et Gilbert Gress d’accélérateur de jeu. Toujours pas de numéro 10 en vue, d’ailleurs c’était Josip qui le portait. On continua à traverser les époques, JPP et Waddle devenant les stars de Bernard Tapie, avec des Abédi Pelé ou des Francescoli pour compléter l’attaque. Pourtant, Nanard, il le voulait son Platini. Avec Giresse d'abord, qui réalisa deux superbes saisons mais qui était en fin de carrière. Delamontagne fut bien engagé mais il ne s’imposa pas.

Après avoir essayé avec le maître qui avait arrété sa carrière en 1987 à la Juve et qui lui rétorqua "Bernard, tu me gonfles!!!" parce qu'il insistait, il engagea Dragan Stojkovic, le fils spirituel de Platoche, meneur de jeu de l'Étoile Rouge et de la feu équipe de Yougoslavie. “Pixie” était bien le messie annoncé. Il arriva durant l’été 1990, se blessa gravement au genou et ne joua que de manière très épisodique, même pas 10 minutes en finale à Bari contre ses anciens partenaires qui tremblaient de peur à l’idée qu’il ne rentra sur le terrain. Une faute de goût de Raymond la science, heureusement, il n y en eut pas beaucoup d’autres. Dragan aurait pu être ce grand meneur de jeu que le Vélodrome attendait, mais il manqua ce rendez-vous avec l’histoire.


Ensuite, Franck Ribéry explosa à Marseille, mais plus dans un rôle d’accélérateur de particules, multipliant les prouesses techniques, mais pas comme organisateur, même s’il s’avérait décisif assez souvent. Finalement, ce fut Samir Nasri, élevé dans le sérail Olympien qui se rapprocha le plus possible de ce rôle. Il n’avait que 18 ans quand il intégra l’équipe professionnelle, et il ne put si jeune, devenir le patron du milieu Olympien.

A Arsenal, il continue sa progression sous la férule de Maître Arsène et il vient de marquer un but fabuleux contre Porto. Finalement, ce sont deux enfants Marseillais qui auraient pu changer le cours de l’histoire. Eric Cantona, dont on a déjà parlé, fils des Caillols, qui joua comme attaquant aux cotés de JPP avant de devenir le meneur de jeu de Manchester United et par la même, son joueur du siècle. Zizou de la Castellane, qu’on ne présente plus, et qui ne porta jamais le maillot Olympien. Comme quoi, Scotti, Cantona, Zidane, Nasri, ils naissent tous à Marseille, mais l’OM cherche toujours son grand numéro 10. Avec Lucho, il l’ a peut-être trouvé, même s'il porte le numéro 8.